09/10/2025
Rencontre avec Lassaâd METOUI, calligraphe des émotions et peintre des mots
À la croisée de l’Orient et de l’Occident, Lassaâd METOUI trace des ponts entre les cultures, entre la lettre et la couleur. Il nous ouvre les portes d’un monde vibrant, où la calligraphie devient mouvement, matière et voyage intérieur. De Nantes à Gabès, portrait d’un artiste habité par le geste et guidé par le sens.
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*Pourriez-vous en quelques traits nous parler de vous et de votre parcours ?
Je suis plasticien-calligraphe depuis de nombreuses années, installé à Nantes et nomade dans l’âme, toujours à l’affût des nouvelles inspirations que la vie vient m’offrir, par les voyages, les lectures et les rencontres. Ce sont par elles que j’ai vécu de magnifiques collaborations avec des auteurs comme Alain REY et Amélie NOTHOMB.
Parmi les moments phares de mon parcours, je citerai la performance où j’ai manié le plus grand calame du monde au British Museum à Londres en 2006, mes grandes expositions à l’Institut du Monde Arabe en 2018 et ma performance au Grand Palais. Et le meilleur reste à venir.
*Comment s’est développé votre sensibilité artistique et qu’est-ce qui vous a amené à devenir artiste peintre ?
On ne devient pas peintre, ou plasticien-calligraphe : on le naît ! Dès le moment où j’ai pu saisir un roseau taillé, ma vocation était là. Je dois tellement à Gabès, au Sud de la Tunisie où je suis né et ai grandi. Je viens d’une famille d’artistes proches de la nature et cette empreinte reste forte en moi. Et puis à côté de l’art millénaire de la calligraphie arabe, il y a aussi la danse qui reste une inspiration de tous les jours.
Par mes études en Europe j’ai marié ma propre tradition à celle de la peinture moderne occidentale, lorsque j’ai découvert des artistes comme Paul KLEE, Henri MATISSE, Eugène DELACROIX… autant de génies du métissage toujours entre Orient et Occident. Mais les études ne s’achèvent jamais vraiment et je continue de nourrir ma pratique en m’imprégnant d’autres disciplines, comme depuis quelque temps la calligraphie et l’estampe japonaises.

*Comment définiriez-vous votre style pictural ?
Je n’aime pas beaucoup le mot « définir » car dedans il y a « finir ». En revanche, s’il faut trouver des constantes dans ma pratique, je parlerais d’abord de la recherche permanente de nouveaux mots et motifs à l’origine de séries. Je tiens au terme « plasticien » car il intègre une dimension plutôt classique d’artiste peintre mais va au-delà puisqu’il s’agit aussi d’un performeur.
La calligraphie, surtout lorsqu’elle prend la dimension de vastes toiles est un langage du corps, une danse, une lutte effrénée avec la matière et avec soi-même : chaque toile, chaque encre est le fruit d’un moment, une photographie d’un temps T et si celle-ci est cadrée, ma pratique se fonde avant tout sur l’improvisation. Mais sous cette vision très actuelle de l’artiste que je revendique, demeure le socle indispensable, la base de tout, à savoir la calligraphie arabe traditionnelle au calame de roseau et à l’encre noire « smak » sur le papier blanc.
*Quels sont vos projets pour cette fin d’année ?
L’exposition « Le sens figuré » à la Galerie ICARE à Paris, initialement prévue du 26 septembre au 25 octobre, est prolongée jusqu’à la fin de l’année. Selon les mots de mon ami David FOENKINOS, écrivain, il s’agit d’« un voyage parmi ces mots, comme une conversation entre le terrestre et le céleste ». J’y partage des mots ou expressions choisis, que je calligraphie, que j’habille de couleurs vibrantes et du noir — ce noir si profond, celui que l’on appelle « le plus noir du monde ».
D’autres projets, en France et à l’étranger, sont en devenir. Ils sont encore confidentiels, mais promettent, je l’espère, de belles émotions partagées.

*Que représente Nantes pour vous ? Avez-vous une adresse préférée à nous recommander ?
Nantes est une ville à laquelle je suis lié par une forme de tendresse. Une ville physique, avant tout : je suis passionné par l’eau, et ici, l’Erdre et la Loire enveloppent la ville comme une promesse permanente d’ailleurs. Je suis aussi un lecteur fidèle de Gaston BACHELARD, notamment de L’eau et les rêves, qui écrivait que « l’on entend dans les mots plus qu’on ne voit dans les choses », et qu’« en méditant sur un mot, on peut trouver tout un système philosophique, à condition de se mettre à écouter vraiment ».
Je suis portraitiste de mots, et c’est à Nantes que j’ai réalisé mes plus beaux portraits, notamment dans ma dernière exposition L’ivresse de l’encre, au Château des Ducs de Bretagne.
Quant à choisir une adresse, je ne pourrais trancher. La Cigale, pour le voyage immobile qu’elle propose, ce décor où l’on se sent ailleurs sans quitter la ville. Le café du musée Dobrée, pour la chaleur de son équipe. Et enfin, le café du Musée d'Art de Nantes , véritable havre de calme et d’inspiration.
*Enfin, pour vous, quel(s) mot(s) pourrait définir BARNES et pourquoi ?
Avec BARNES, on a le droit de rêver. Il y a dans leurs images, leurs mots, leur manière de parler des lieux, une véritable esthétique de la vie. On entre dans une forme de rêve éveillé. C’est une manière de croire à autre chose, de se projeter dans des espaces sublimes.
C’est l’art de vivre, mais surtout l’art d’être conscient que la beauté est possible — ce que disait déjà Platon : « La beauté est la splendeur du vrai ». Avec BARNES, cette beauté devient tangible.